Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/14

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riches mais sans aucune extravagance, tordre ses cheveux strictement selon la mode, elle conservait un charme équivoque. Et maintenant, même mariée, il ne lui était plus permis, sous peine de se voir méconnue, d’être dans la rue une certaine heure passée, alors que tant de femmes, qui n’avaient pas sa décence extérieure, le pouvaient si impunément. Ses cheveux trop noirs, trop lourds, la blancheur poudrée de ses joues, la folle gaieté de ses prunelles, sa forme trop mince, et encore autre chose d’insaisissable lui donnaient un mystère étrange. On n’expliquait pas autrement que ce jeune être rieur, ignorant la moitié de tout, une enfant, portât en soi comme une menace tragique. Peu de gens voyaient cela en elle, il est vrai, mais parmi les amis de Wartz, deux ou trois hommes habitués à penser et à deviner les destinées s’étaient effrayés de voir ce garçon si bon, si bien fait pour la libre lutte politique, emprisonné dans ces petites mains de femme qui créeraient du drame autour de lui.

Et ce fut ce soir-là, dans le coupé arrêté au coin de la rue aux Juifs et de la rue aux Moines, que pour la première fois Samuel Wartz éprouva, lui aussi, comme un avertissement de cette chose mystérieuse.