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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/153

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garnies d’une longue grappe humaine : hommes, femmes et enfants, serrés, penchés, agrippés aux balustrades. Et dans cette foule composite, se révélaient, en taches de couleur, des individus de toutes classes, de toutes conditions, les sarraus bleu-pâle des artisans, les blouses flottantes des ouvriers voisinant avec les pardessus corrects, les châles des tisseuses, les haillons des misérables, contrastant avec la fourrure des élégantes.

Et sur cette foule, un grand silence planait.

La jeune femme, tremblant de sa hardiesse, pressait le pas, curieuse de ce qui pouvait attirer ainsi l’attention vers le lit du fleuve congelé. Un cri la fit s’arrêter dans un sursaut de toute sa personne :

— Achetez le portrait du nouveau ministre, l’homme du coup d’État ! demandez Samuel Wartz.

Et un gamin crasseux, les jambes nues bleuies de froid, lui haussa sous les yeux une lourde liasse de papiers en éventail, où par centaines de reproductions, dans le feuillettement du vent, elle vit passer l’image de son mari grossièrement reproduite dans le hâtif tirage nocturne du journal. Elle ferma les yeux, s’étudia à ne point regarder. Il lui semblait qu’elle aurait la honte d’être reconnue bruyamment par cette foule, si elle tenait entre