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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/154

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ses mains ce portrait, et elle continua sa route en rougissant. Une fois sur le pont, d’en dessous, elle entendit monter des voix, des chants. Semblable à quelque petite ouvrière, elle se faufila entre deux personnes, au long de la barrière vivante qui faisait la haie.

Sur la glace, processionnait un cortège grotesque : des hommes portant en sautoir des écharpes rouges à franges d’or, d’autres tenant des bannières que les tournoiements de la bise, dans la coulée du fleuve, tordaient en chiffons. Sur la cotonnade grossière étaient écrits à l’encre ces mots exempts de recherche : Vive la Liberté ! — À bas la Tyrannie ! — Venaient ensuite les oriflammes révolutionnaires : Béatrix à l’échafaud ! — Luttons pour être libres ! — À mort les Rétrogrades ! Et toutes ces fanfreluches misérables, qu’on sentait improvisées dans quelque taverne, en grande hâte, ne laissaient déchiffrer que par bribes, dans leur enroulement aérien, leur phraséologie de terreur. Derrière, suivait une bande sordide : hommes en costume de travail, coiffés de casquettes sales, femmes aux jupes crasseuses, aux cheveux défaits, traînant des enfants, et, se mêlant à la cohue des ouvriers en chômage, des êtres aux figures sinistres, têtes d’assassins et de dégénérés,