Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/160

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Madeleine conçut d’un coup leur itinéraire : cette ruelle, la place Sainte-Wilna et la rue du Canal. Et elle s’épuisait à entendre ce qui pouvait vibrer encore impalpablement, dans l’air, du chant royaliste. Rien, plus rien. La piste des autres était donc perdue pour elle ; mais elle les sentait toujours dans ce quartier, vers lequel s’acheminaient présentement ceux-ci, ce quartier du Canal où les maisons font à l’eau une rive de pignons à poutrelles et de façades vétustes, derrière lesquelles logent, par milliers, les pauvres.

Une voiture passait, elle s’y jeta ; et en dépit de toute prudence, de toute réserve, elle dit au cocher, qui dut le lui faire répéter pour le croire :

— Je vais suivre cette bande-là.

Cet homme la prit pour quelque écervelée de mœurs douteuses, en passe d’une extravagance nouvelle. S’il l’eût pu voir au fond des coussins, accablée, le corps ployé, la tête cachée dans ses deux mains, obsédée par cette intuition d’une rencontre entre les deux cohortes, il aurait été plus curieux peut-être, mais il n’aurait pas compris. Dans un accès de casuistique implacable, frissonnante de peur, blême, angoissée, elle s’obligeait à voir de ses yeux les atrocités qu’elle redoutait.

La voiture allait au pas. À ce moment, on avait