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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/163

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beaux de cotonnade. Ils s’engouffrèrent, pareils à un fleuve noir, par la grille qui tronque l’angle du Square. Rétréci au passage, le flot formait des houles, des remous. Puis, la grille franchie, il se divisait au caprice des allées, débordait sur les pelouses. Et l’hymne national, sans mesure ni rythme, sans unisson et sans ensemble, précipité comme un chant de fous, un chœur d’ivresse, entra dans le jardin avec le fleuve noir, vibra aux ramures nues, le long des bassins congelés, et vint heurter la façade intérieure de l’hôtel de ville. Alors, on vit sortir par les trois grandes portes cintrées, les enfants royalistes qui s’étaient tenus sous le péristyle depuis leur arrivée. Les paroles nouvelles du chant poméranien, qui insultaient la Reine, les avaient atteints. Ils pensèrent tous, sans se l’être dit, que la belle Dame idéale dont ils étaient si épris serait vengée s’ils mouraient pour elle. Et la tête droite dans leur faux-col glacé, ayant salué, de leurs chapeaux jetés à terre, la Personne à laquelle ils offraient leur vie, les petits aristocrates se ruèrent dans les haillons. On les vit s’engloutir, délicats et parfumés comme ils étaient, dans ce flot de malpropreté humaine ; il y eut une levée de bras pareille à un croisement de massues en l’air, et on ne les revit plus. Mais aussitôt, dans les pelouses enva-