Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/170

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créatures. Je n’ai pas eu le courage, je n’ai pas pu. Regardez ; son sang m’a sauté ici.

Elle montra, sur sa jaquette, des taches encore humides dont la fourrure noire ne s’imprégnait que lentement : on aurait dit de larges taches d’encre. À les revoir, elle éclata de nouveau.

— Docteur ! Docteur ! Dieu a voulu que ce sang tombe sur moi ; c’est le sang que Samuel a fait couler, c’est lui le grand coupable !

Et s’affaissant de nouveau, la tête entre les mains, elle se tut pendant plusieurs secondes. Elle ne put voir le geste du vieil ami, le geste caressant et paternel de ses deux mains tendues. Ne lui devait-il pas ce mouvement de pitié, n’allait-il pas la prendre dans ses bras, la consoler comme un enfant qui souffre ? Mais il fit mieux. Il l’aimait trop pour en rien laisser paraître. Ses deux mains retombèrent sur ses genoux sans avoir même effleuré les soies de la fourrure, et il dit :

— Vous avez donc été dans la rue aujourd’hui ?

Elle continua, poursuivie du même cauchemar :

— Vous savez qu’ils ont tué le prince Erick ? Vous figurez-vous cela ? Mort ! Tout froid déjà, ce gentil valseur de l’autre jour ! Il m’avait menée d’un bout de l’hôtel de ville à l’autre, sans une