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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/169

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rent de sa douleur. Elle pleurait tout haut, comme les enfants, avec les gémissements et le râle des sanglots. Saltzen détournait la tête pour ne pas la voir, si petite, si menue dans cet effondrement de désespoir qui faisait de sa personne délicate une chose diminuée, allégée, qui n’aurait été rien à prendre, à soulever, à étreindre. Hélas ! il était peut-être celui qui la chérissait le plus dans le secret de son cœur, celui qui aurait su lui dire les mots les plus délicieux, et celui qui devait garder devant son chagrin, le plus de froideur. Et il se sentait perdre la tête.

— Qu’avez-vous ? Qu’avez-vous ?… murmura-t-il.

— J’ai vu, disait-elle dans les spasmes de sa gorge, j’ai vu la Révolution, je l’ai vue, monsieur Saltzen ; j’ai vu Oldsburg ravagée, j’ai vu mourir un homme devant moi. Quand il est tombé, j’ai senti sa main sur ma bottine, et je me suis sauvée. Comprenez-vous cela ? Sans l’avoir regardé, je me suis sauvée pour ne pas le voir, et je le vois toujours, je vois ses yeux, la prière de ses yeux, de ses yeux de souffrance, que je n’ai pas écoutée. Je me suis sauvée ! Est-ce que j’aurais pu le soulager, dites, docteur ? Tout un couteau enfoncé là ! J’ai agi comme la dernière des