Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/211

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une société repétrie par tes mains en quelques jours, et de tout un pays qui t’aime comme son chef moral. J’en suis plus émue et plus troublée que je ne saurais te le dire. Par quels mots traduirais-je tout cela ? Je t’offre ma discrétion, mon silence ; tu m’es témoin que je te laisse travailler sans jamais réclamer pour moi une parcelle de ton temps ; je te sacrifie les causeries que nous avions autrefois et que j’aimais tant. Les repas ne nous réunissent même plus. Me suis-je plainte ? Je comprends bien, certes, les nécessités de ton grand rôle. Ton chef de cabinet, ton secrétaire, tes collègues, tous ces messieurs te sont en ce moment cent fois plus que moi, et j’y acquiesce de tout cœur. Mais quand m’est venu ce trouble de douter — comment dirai-je ! — de ton absolue… intégrité, je n’ai pu résister, il m’a fallu m’en ouvrir à toi, qui es mon confesseur bien aimé.

Elle tomba dans ses bras, les yeux en larmes ; il sentait frémir sur sa poitrine ce jeune être délicat qui ne vibrait que de vie morale, de purs désirs de vertu. C’était à ses nerfs excités un mélange de charme et d’exaspération. Elle était infiniment belle dans cette spiritualité, mais elle lui échappait, et tous les baisers dont il la couvrait sans lui répondre n’atteignaient pas son âme.