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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/212

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— Il le faut, vois-tu, expliqua-t-il après, d’une manière brève, il faut sacrifier ses goûts personnels, ses tendances, si l’on veut atteindre son but. On le fait par devoir. On se révolte d’abord, puis on se résigne à ce que dans les choses humaines, il se mêle toujours quelque laideur. Ne me blâme pas, Madeleine ; j’ai agi pour des intérêts supérieurs à ce que tu crois.

Et il l’étouffait à demi sur sa poitrine. Puis, avant cinq minutes, il fut repris par sa vie officielle qui ne faisait jamais trêve, et Madeleine resta seule, déroutée, indécise, mal satisfaite par l’explication furtive d’un cas de conscience aussi lourd. À cause de cette équivoque inutile, elle ne verrait plus dans la République cet idéal pur et magnifique dont elle était si éprise autrefois. Quelle source trouble ce serait à la nouvelle existence nationale, que cette pression de l’argent exercée sur la volonté du peuple ! quel opprobre !

Et elle pensait que si Saltzen était venu, il l’aurait peut-être rassurée, non pas à la manière un peu brutale de Samuel, mais, pour amener sa conscience à ce point d’admettre ce qu’elle réprouvait, il l’aurait conduite par le dédale de ses arguments subtils au bout desquels se trouvait toujours l’évidence absolue et pacifiante, et c’étaient là des