Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/223

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Il est des nuits où l’on ne dort pas. La nuit qui commençait était de celles-là.

Des désirs vagues, l’inconnu de leur rôle nouveau, tourmentaient tous ces hommes. Ils ne savaient pas… Mais cette humidité chaude, cette nuit excitante d’un printemps factice, avec « les quelques gouttes d’alcool dans le sang » dont avait parlé Auburger, et qui s’étaient multipliées jusqu’à devenir « ne coulée de feu dans leurs artères, leur faisaient une force décuplée qui les poussait à des choses étranges. D’abord, ce fut un élan vers Samuel Wartz, le libérateur. Eux qui avaient jusqu’ici vécu dans une si heureuse ignorance, sans le moindre souci de la politique dont ils ne connaissaient rien, venaient de se sentir délivrés, comme si de leurs mains et de leurs pieds fussent tombées soudain des chaînes. Ce furent les joies d’une évasion illusoire. Ils acclamaient Wartz. Un homme à barbe blanche surgit au milieu d’eux ; leurs yeux se rivèrent sur lui, et il se produisit dans la foule des ondulations, comme en voit courant un troupeau de moutons, à l’approche du pasteur. L’homme, avec dignité, gravit au coin d’une rue une borne si étroite, si rongée, qu’il dut se soutenir à l’angle de la maison pour garder l’équilibre. Il parla d’une