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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/25

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Songez que je vais la voir, que c’est la première fois, et que je m’affole… Il y a tant de choses, tant d’idées dans ce mot de Reine !…

— Quel genre de femme ? je n’en sais rien, madame, mais je puis vous dire ceci : moi, qui ai cinquante-deux ans, qui ai vu la vie jusqu’au fond, qui ai dans le cœur certain secret plus lourd que les hommes de mon âge n’en portent d’ordinaire, moi qui suis vieux et qui suis républicain, car j’ai glissé dans ma carrière politique du libéralisme à la Liberté souveraine, je ne vois jamais cette femme sans émotion. Que voulez-vous, elle me chavire ! Elle a trente-huit ans, elle a des yeux de velours, et encore ce qu’on ne peut rendre que par le mot de royal. Mais tout cela n’est rien. Je sens que, vieille et laide, avec une robe de mérinos noir, sans voix ni force pour parler, si elle paraissait à sa tribune de la Délégation, elle serait encore une puissance indéfinissable ; elle a du sang de vingt-deux rois dans les veines, elle est la Tradition et l’Histoire nationale. Votre mari et moi, nous représentons chacun environ sept ou huit mille électeurs, mais elle, elle représente la Poméranie ; elle est la Patrie vivante. Et, tenez, quand je pense que dans cette salle, derrière cette porte d’étoffe, rien qu’en faisant quelques pas,