Aller au contenu

Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je suis resté beaucoup chez moi ces derniers jours, beaucoup trop. J’ai brassé de vieux souvenirs, on devrait se défendre cela. Le fardeau de ma vie n’est guère autre que celui de ma solitude, et je l’aime pourtant cette solitude, la discrète épouse des vieux garçons…

Il se ressaisissait, palliant sa faiblesse d’un instant par un regain d’entrain et de vitalité :

— Assurément, l’un de mes malades m’aurait fait semblable sortie que je l’eusse traité pour dyspepsie. Vive les bons estomacs, ils n’ennuient pas leurs amis du récit de leurs peines. Je suis confus de m’être montré stupide devant vous. Ah ! les femmes ont bien autrement de mesure ! Combien de fois vous ai-je vue souffrir, mais si discrètement, si noblement !…

Madeleine ne le suivait plus. Par un brusque élan, son cœur était retourné à Samuel dans une impétuosité désolée et repentante, Samuel, l’époux adoré, qu’elle avait oublié là, une minute, en regardant souffrir le vieil homme, Samuel à qui appartenaient toutes ses pitiés, toutes ses tendresses, toutes ses émotions, et qu’elle avait abandonné un instant, en pensée, pour savourer l’autre amour. Un scrupule affreux la dévastait. Toute son âme et tout son corps appelaient Samuel.