Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/260

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Brusquement il se retourna vers elle, plongeant en ses yeux, en ses longs yeux de bonté ; et elle souriait d’un mystique sourire affectueux, de ses lèvres longuement fendues comme pour des mots d’amour. Il eut un éclair dans le regard et levant ses deux poings crispés :

— Ah ! le Bonheur ! cria-t-il, le Bonheur !

Puis il retomba, le front dans ses mains, son grand corps infléchi, les coudes aux genoux. Il eut deux ou trois soubresauts des épaules, on eût dit des sanglots. Longuement Madeleine le regarda, elle sentait son cœur se gonfler et se fondre, puis ses yeux se fermèrent une seconde, et elle demeura un instant immobile, pâle, étourdie.

— En vérité, disait la voix du vieil ami qui la fit se reprendre en tressaillant, en vérité, ma pauvre enfant, je ne sais pourquoi je suis venu aujourd’hui vous peiner avec mes idées noires. Je suis un vieux fou, et ma punition sera que vous me jugiez tel. Qui n’a pas ses crises de mélancolie ! Mais on se doit et l’on doit aux autres de garder pour soi sa bile. Avouez que jamais vous ne m’aviez vu ainsi.

Madeleine, toute blanche, fuyait son regard,

— C’est vrai, docteur, jamais, jamais…