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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/285

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il longeait ce grand couloir des archives, dont les fenêtres plongeaient sur la place, il pensa au peuple d’Oldsburg, à la Nation libre dont il aurait tant dignifié l’état, la Nation maîtresse d’elle, se régissant elle-même, la Nation souveraine.

Soudain, une amertume de prophète l’envahit, le dégoût de son grand labeur, le découragement. « À quoi bon, se dit-il, à quoi bon tant lutter ! Se douteront-ils jamais de ce que j’ai souffert dans mon cœur pour leur conquérir tout cela ? » Et il revoyait les larmes de la dame en noir, la figure du petit garçon qui commençait à le poursuivre déjà, comme Béatrix l’en avait menacé. Quel homme avait-il dû paraître aux yeux de l’incomparable femme ! Qu’importaient maintenant les acclamations que lui réservaient les foules, quelqu’un l’avait maudit !

Il suivait les lentes spirales aériennes de l’escalier ; il aurait voulu que cet escalier durât toujours, qu’il continuât de tournoyer éternellement vers des ténèbres, vers des abîmes, vers le néant surtout ! Et il l’aurait descendu dans une joie secrète, heureux de s’anéantir, de finir ainsi dans ce mouvement doux et somnolent de la descente. Ah ! s’en aller à la dérive de cette pente suave ! s’engourdir, s’endormir, n’être plus, ne plus penser, ne plus lutter !