Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/319

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dont elle ignorait l’existence, il était sorti ce matin à pied, secrètement, il s’était rendu à leur ancienne maison du faubourg, comme en témoignait cette petite perce-neige qui en venait. Sans doute avait-il voulu se faire la main. Tout ce qui dormait de tragique et de terrible dans cet homme plus grand que nature, se révélait en cette occasion. Il voulait un duel, mais il le voulait sérieux, à conséquences graves. Aussi voulait-il être maître de sa main, viser sûrement. Elle croyait le voir, tirant sur une cible imaginaire dans quelque coin de leur joli jardin ; et la figure qui se dessinait vaguement derrière la cible, c’était Saltzen. Sans qu’il y eût seulement une base à sa provocation, Samuel était possédé par l’idée de le tuer ; sa peine avait distillé de la fureur, et, dans l’heure même qu’il avait le plus prémédité sa vengeance, avec le plus d’ardeur mauvaise, il avait eu le geste sentimental, la suave pensée, de cueillir dans leur jardin cette fleur, souvenir d’amour, chose de tendre naïveté.

Madeleine, dont les mains tremblaient, roula de nouveau les pistolets dans l’étoffe de laine rouge, mais elle garda la perce-neige. Son bouquet de fiancée avait été moins pour elle que cette fleur, dans un tel moment. Elle la tenait entre deux