Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/75

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qui peuplera la Poméranie d’une foule de petites Hannahs douloureuses, je me demande si nous agissons vraiment en amis de ces pauvres gens dont nous allons révolutionner l’état mental ! Leur enfance sera enrégimentée par l’école, leur enfance seulement, vous entendez, l’âge où l’on creuse les âmes, mais où on ne les remplit pas ! Ils auront appris dans ces leçons incomplètes les inquiètes curiosités, les vues plus profondes, des sensibilités inconnues, des facultés de souffrance nouvelles, mais point la philosophie ou la force sereine. Je pense aux artisans illettrés, si paisibles, si dégagés de tout ce qu’ils ignorent. Je crains que vous ne nous fassiez une plèbe triste.

Wartz allait protester, mais la porte s’ouvrit. Hannah parut :

— Madame est servie.

Dans la salle à manger, on ne pouvait plus causer librement ; la jeune servante y était retenue par son service. C’était une figure fine et charmante, qu’ennoblissait encore, aux yeux des deux hommes, cette sorte de rôle symbolique qu’elle incarnait. Avec son chagrin, elle était pour Saltzen le type de l’artisane de demain, lucide et mélancolique, ayant payé de sa gaieté perdue le triomphe de la démocratie. Samuel voyait en elle l’idéal de la fille