Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/96

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pu en tirer. Puis elle trouva que cet entretien avait été trop familier, qu’elle y avait trop montré le défaut de l’amour de Samuel, cet amour si violent, si orageux, qui cachait des lacunes, et qui restait si différent du sentiment de Saltzen !…

Pour Samuel, ce fut la grande nuit.

Il avait dit, l’autre soir : « Dans six semaines, je serai prêt. » Et voilà que le travail prévu de tous ces jours devait s’accomplir en une nuit. Cette besogne formidable ne l’eût pas effrayé ; mais sa loyauté foncière soulevait maintenant en lui des doutes, des craintes, des incertitudes ; il avait le sens terrifiant de sa responsabilité. La figure désolée d’Hannah était sans cesse devant lui, et il se répétait les paroles du docteur : « J’ai peur que vous ne nous fassiez une plèbe triste. » Pauvre petite Hannah ! aurait-elle tant pleuré si elle avait été la servante vulgaire et ignorante que sa naissance eût dû faire d’elle ? Et il voyait, dans l’avenir, des centaines et des milliers de filles du peuple tendre les bras vers lui, retenant dans leurs yeux des larmes qu’il consentait en ce moment, lui l’artisan de cette demi-culture populaire, le créateur de ces êtres troublés dont sa loi, ne pouvant faire des hommes cultivés et instruits, aurait seu-