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Page:Yver - La Bergerie.djvu/120

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sède le plus fort troupeau de bêtes de Jersey, souviens-toi, ces petites vaches blondes, si fines, qui te plaisaient tant. Tout son bien est en pâturages. De plus c’est un homme d’honneur et un bon chrétien qui fera le bonheur de ma sage et gentille Laure. Nous comptons sur toi pour le mariage qui aura lieu, je pense, dès le printemps. »

Frédéric sourit. Ce roman campagnard l’amusait sans l’attendrir. Il revoyait la petite personne coiffée à la chinoise, penchée sur la valse lente au vieux piano. On la mariait. On la mariait sans qu’elle le sût encore, et le futur, ses pâturages, ses vaches innombrables et sa respectabilité formaient un bloc qu’elle accepterait de confiance et dans lequel elle trouverait le bonheur. Au surplus, le gentilhomme était bon chrétien, ce qui paraissait, aux yeux de Frédéric, extrêmement démodé. Cette union biblique, raisonnable, sage comme la rougissante fiancée, le mettait en goût des extravagances, des exaltations démentes de l’amour parisien. Oh ! la séance d’orgue, ce soir, dans l’aérienne galerie de chêne sombre ; cette femme mystérieuse qui était venue se glisser entre eux comme une apparition, comme une vision, et l’auteur opulent de Dona Pia, le Parisien riche et lettré, tremblant de passion en l’écoutant, l’enlaçant dans l’escalier gothique, et Chapenel, le prophète-fou, se mettant entre