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Page:Yver - La Bergerie.djvu/145

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sources gonflées de lait aux mamelles des vaches fines et blondes, cuvées énormes de cidre sucré, il allait créer une famille. Sans aventures clandestines, sans dramatiques amours cachées, il allait amener chez lui cette jeune fille qu’il chérissait d’une affection large, sereine et saine. Ils s’uniraient dans la maison, dans la chambre même où il était né ; elle y mettrait au monde ses enfants, et après avoir joui de leur vie simple et heureuse, ils y mourraient très vieux, l’un suivant l’autre, dans le même lit.

Frédéric, d’une seule pensée, embrassa toute cette existence. Il y trouvait quelque chose de magnifique. Il ne riait plus de ces noces de campagne. La neurasthénie parisienne pâlissait devant la force de cet homme vigoureux et lent qui possédait, sans affolantes recherches, sans inquiétudes, sans fièvre ni états d’âme mystérieux, la solide philosophie de la vie. La petite Laure l’écoutait parler dans une religion muette et ardente ; ses regards obliques coulaient et souriaient tendrement vers lui. La bonne tante raconta, avec quelque orgueil, comme chaque année il distribuait, entre tous les ouvriers de sa terre, une large part, proportionnelle aux droits de chacun, des richesses obtenues. Frédéric se souvint qu’on l’avait dit bon chrétien ; ce détail lui parut évangélique et n’avoir rien de démodé. Pendant ce temps,