Page:Yver - La Bergerie.djvu/144

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musclée la porte ouverte pour que passât la fiancée. Et elle, méconnaissable, transfigurée, arrivait en souriant à Frédéric.

« Ah ! mon cousin, que c’est gentil d’être venu ! » s’écria-t-elle sans nulle timidité, ayant acquis cette assurance que le bonheur vous donne près des moins heureux que vous.

Stupéfait, Frédéric l’observait. Il y avait un peu de recherche dans l’arrangement de ses cheveux jolis et riches ; on y sentait l’œuvre sournoise des bigoudis cachés le soir dans l’oreiller ; sa robe restait simple et sombre, mais un col de linge blanc faisait remarquer, comme une surprise, la petitesse fine du cou. Ses yeux aimaient ; elle en était embellie ; elle était enveloppée d’amour et il en rayonnait d’elle. Elle dit encore avec une fierté visible et adorable :

« Je vous présente mon fiancé, Frédéric. »

Les deux hommes se serrèrent la main ; la main brune et musclée parut aux doigts parfumés de Frédéric une chose de loyauté, de force et de franchise. On causa. Cet aristocrate délicat, maître de troupeaux sans nombre, possesseur d’une terre immense, un pan de province, qu’il travaillait et pressurait durement pour en obtenir jusqu’au dernier brin d’herbe, lui parut un roi. Et parmi cette fécondité matérielle, rivières de blé courant au moulin, charretées d’avoines peuplant les marchés,