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Page:Yver - La Bergerie.djvu/177

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étaient rassemblés au salon ; tante Aubépine, en satin noir, une fleur de velours rouge piquée dans les dentelles raides de sa coiffure, déployait ses grâces de grande dame pour plaire aux d’Aigremont, qui étaient alliés aux de Marcy et aux gros bonnets de la contrée.

Ils étaient là onze d’Aigremont : père, mère, gendres, brus et filles. Frédéric observait curieusement cette noblesse de province, opulente, aux généalogies princières, et modeste comme de petites gens ; les jeunes femmes, fatiguées par des maternités fréquentes, toutes nourrices et dépourvues de coquetterie ; les mères mêlant aux formes vieillies de leur corsage des rivières lourdes de diamants ; les jeunes filles bavardant très bas, timidement, autour de Laure, portant toutes des robes de lainage rose ou bleu, leurs cheveux relevés sur des nuques très fines de races, mais tordus sans art et rendus un peu fous par le vent de ces plaines du Cotentin, où souffle toujours le courant d’air du canal. Une seule femme respirait l’élégance, la beauté et la coquetterie ; c’était Mme de Chanterose, née d’Aigremont. « La belle madame de Chanterose dont je t’ai parlé », souffla Mlle d’Aubépine à l’oreille de Frédéric. C’était une magnifique brune grasse et blanche, de quarante ans, ayant dans les traits l’orgueilleux dessin du type israëlite venu on ne savait d’où. Elle était la célébrité