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Page:Yver - La Bergerie.djvu/178

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de tout l’arrondissement et jouissait d’une réputation équivoque, dont le prétexte était le portrait qu’elle était allée se faire peindre par un artiste parisien, mais dont la cause cent fois plus réelle demeurait cette voluptueuse caractéristique de sa personne qui grisait autour d’elle les hommes. Frédéric la vit ici comme une anomalie ; elle détonnait dans ce cadre serein, cette orageuse créature qui évoquait des idées de drames, de silencieuses tragédies de cœur. Et juste comme elle passait devant lui, avec un regard sur ce jeune élégant qu’elle sentait, avec son obscur instinct de l’amour, n’avoir pas conquis, la porte s’ouvrit là-bas, dans la boiserie blanche, et une jeune fille entra. Frédéric regarda et eut un sursaut de surprise. C’était Camille.

C’était Camille vêtue pour la première fois en long, d’une robe de mérinos blanc, dont un ruban de velours noir serrait la taille bien cambrée par une bonne couturière ; sa force, sa santé, sa peau rose, le doré de ses cheveux qui faisaient dans le cou un gros chignon tordu à l’anglaise, tout cela rayonna dans la lumière quand elle s’avança ; elle fut entourée et fêtée ; on la trouvait charmante. On la sentait faite aussi, celle-là, pour les maternités fréquentes, les allaitements infatigables, la vie de cultivatrice dure et active, le charme du foyer. Frédéric entendit, comme si quelqu’un la lui re-