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Page:Yver - La Bergerie.djvu/181

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répondre ; l’épouvante du définitif, la peur de l’irrémédiable et de l’inconnu. Il se disait : « Plus tard. » Camille répéta, inconsciemment coquette et caressante :

« Restez Frédéric ; je l’ai dit deux fois ! »

Il perdit la tête. :

« Oui Camille, je vous promets, je resterai ; c’est-à-dire, je reviendrai. Je ne puis pas abandonner M. Beaudry-Rogeas si brusquement ; il me faut retourner à Paris pour un peu de temps ; mais si votre marraine y consent, je reviendrai. »

On passa au salon. Les femmes parlaient politique pendant que le mari de l’une d’elles, un d’Aigremont qui était conseiller d’arrondissement, se faisait accompagner au piano par Laure : La Chanson des Peupliers. C’était un petit homme court et rouge, serré dans son faux-col et dans son habit noir ; il avait une voix de basse superbe qui fit tout trembler dans le grand salon. La cousine de Chanterose l’écoutait avec une indulgente ironie, et se tourna plusieurs fois vers Frédéric comme pour lui dire un mot. Il faisait chaud. On ouvrit les fenêtres qui plongeaient dans le parc tout noir, d’où montaient des senteurs de primevère et de jeunes pousses. Un instinct de câlinerie très pure attachait Camille à Frédéric ; il s’accouda à la fenêtre ; elle se hâta d’aller s’y accouder aussi. Elle rêvait d’aller se pro-