Page:Yver - La Bergerie.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’un et l’autre fondaient en larmes. M. de Marcy fut le témoin visiblement ravi de ce chagrin.

« Je vous dois tout, lui dit Frédéric quand il l’emmena en voiture ; comment vous remercier !

— Bast ! je suis bien heureux, moi, pourquoi les autres ne le seraient-ils pas aussi ? Vous n’avez pas à me remercier, mon cousin. »

Laure le reçut avec une amabilité réservée. Elle n’avait pas de Camille la nature primesautière et confiante qui croit aisément. Elle redoutait l’homme et ses défauts, et dès l’abord, Frédéric se sentit mis par elle en observation, quoiqu’elle fût amicale, dévouée et complaisante pour lui. Parfois, aux repas, elle lui lançait des allusions à l’attrait de Paris, à l’ennui de la vie rurale. Il protestait qu’il ne quitterait plus sans chagrin ce pays ; elle hochait la tête, incrédule.

Et pendant ce temps, avec une sorte d’ivresse, le néophyte du culte terrien se plongeait dans la vie nouvelle, comme un novice qu’enthousiasme chaque dureté de la Règle. Il se levait à l’aube, passait en revue, avec M. de Marcy, les étables, les écuries, la porcherie, où à leur approche la chair rose des animaux se dressait en masse du sol mouillé de graisse. Il parcourait les terres labourées, apprenait à nommer le grain sur pied, à distinguer les