Page:Yver - La Bergerie.djvu/33

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foie gras. La terrine s’en fut en épaisses tartines qu’il dévorait. Quand il eut fini et qu’on fit le compte, il avait mangé onze petits pains. Mlle d’Aubépine pleurait de joie. Le tout avait passé sous l’influence d’un certain « Entre-deux-mers » qu’elle lui versait à pleines rasades, Frédéric restait dans une douce griserie.

« Eh bien maintenant, mon bon chéri, tu vas me dire quelque chose ? » lui demanda-t-elle en riant.

Elle caressait sa tête rasée et ronde, où l’on sentait sacrifiée et prête à renaître la brune chevelure riche d’autrefois. Frédéric s’émut ; ses yeux s’emplirent de larmes.

« Pourquoi n’êtes-vous pas venue plutôt ! dit-il ; j’ai souffert…

— Mon enfant, fit-elle gravement, j’avais peur de toi. Lorsque tu fus devenu grand et moi libre… »

À ce mot libre, il leva vers elle ses yeux surpris.

« … C’est-à-dire lorsque j’eus perdu notre mère avec qui je vivais, j’aurais voulu faire des recherches, m’occuper de toi ; mais tu étais déjà presque un jeune homme ; les vieux redeviennent timides à l’égard des jeunes ; ils craignent comme le feu l’importunité dont on les taxe si souvent. Ils sont réservés et retenus, parce qu’ils sont délicats et susceptibles. J’imaginais que tu m’aurais mal reçue.