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Page:Yver - La Bergerie.djvu/32

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lencieusement en attendant qu’on servit. Un bras se posa sur son épaule, elle se retourna :

« Que me veux-tu ? dit-elle à Frédéric.

— Embrassez-moi, répondit-il.

— Dieu ! que tu es grand ! faisait-elle en l’admirant de tous ses yeux.

— Dieu que vous êtes bonne ! » ajoutait-il timidement.

Il ne savait trop que lui dire. Il ne pouvait causer avec elle sur le même ton qu’avec Mlle Fleur de Lys. Il prenait, dans ses grandes mains longues, celle toute petite et grasse de la vieille demoiselle, et, sentant que ce cérémonial tendre et suranné lui plaisait beaucoup, il la baisait sans cesse.

Ils se mirent à table ; elle posait, sur la nappe satinée de fleurs, le bout de ses doigts lourds de bagues et de diamants ; une azalée rose trônait entre eux. On plaça sur la table des cristaux et de l’argenterie à foison ; on leur servit des oranges, des poires et des pommes qui embaumaient leur cru savoureux. Pendant que la vieille dame buvait un peu de lait, Frédéric fit quelques bouchées de son bifteck ; elle pressentit tout à coup l’appétit insoupçonné qui est l’inguérissable mal du soldat. Elle lui fit servir un quart de poulet froid. Complaisamment, elle le regardait manger, souriante, heureuse, attendrie, et voyant de quelle férocité canine il grattait encore le dernier os, elle demanda une terrine de