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Page:Yver - La Bergerie.djvu/35

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bagues le long de ses doigts, se détourna pour faire un pli en mince tuyau dans sa robe raide, et murmura :

« Ta pauvre mère… c’était… c’était… une danseuse. »

Instinctivement, Frédéric baissa la tête. Il était devenu blanc comme la nappe et ne voulait pas qu’on le vît. Une image s’édifiait dans son cerveau, malgré lui, et qu’il s’efforçait à ne pas voir : une créature de fête et de gaîté, posant à terre à peine du bout de son pied chaussé d’un bas rose, un nuage de tulle blanc tourbillonnant à son corps plus qu’il ne le revêtait, les bras et la poitrine nus sous des fleurs. Et il appelait du fond de son cœur, désespérément : « Maman ! maman ! » la belle jeune femme si maternelle et noble dans sa robe noire de maison, qui le déshabillait jadis, le soir, au coin du feu.

« Je m’en souviens encore, tint-il à dire de suite ; elle ne me quittait jamais ; elle était bonne et tendre, je l’aime et la vénère.

— Moi aussi, mon enfant, fit la vieille fille en lui serrant les mains. »

… Et ils s’en allèrent vers les monuments merveilleux de la ville, un peu mélancoliques et silencieux, mais si contents l’un de l’autre qu’ils n’avaient besoin de rien dire pour s’entendre. Pourtant le soir, lorsque Frédéric reconduisit la voyageuse à la gare, il connaissait