Page:Yver - La Bergerie.djvu/60

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chant. Ces parfums donnaient à Frédéric quelque chose de l’ivresse étrange dont étaient atteints jadis ceux que possédait la Lune ou la Nuit. Une blancheur s’accusait au terrain des sentiers, au lichen des troncs, aux fûts graciles et clairs des bouleaux : on sentait que ce n’était plus le jour, mais l’autre lumière naissante et grandissante.

Frédéric eut un trouble soudain : tout vécut autour de lui, il se sentit aimé par les choses, la maison, le jardin, les arbres ; il se sentait regardé tristement par eux, lui « l’invité » que le domaine ne reniait pas ; il y avait une tendresse dans l’air, sur lui. Il s’assit au pied d’un arbre, prit son front dans les mains :

« Ô mon parc !» prononça-t-il.

Alors une voix sortie de tout sembla l’envelopper et lui répondre. Il comprit strictement, sans analyse vaine ni scepticisme, que le parc, les arbres, la maison, l’entier domaine, la Bergerie lui disait :

« Nous te reprendrons. Tu nous reviendras ; il y a, dans le fond obscur de ton être, un instinct qui te ramènera ici de force, comme une puissance cachée reconduit, le soir, à l’étable, les bêtes égarées. Nous possédons en nous les racines mêmes de ta vie, ton ascendance nous a créés, nous a cultivés, elle vibre encore mystérieusement dans notre âme vague de choses ; elle y est empreinte, elle te recou-