Page:Yver - La Bergerie.djvu/59

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Une émotion trop forte le poignait. Il demanda d’aller au parc fumer sa cigarette, lut en passant le regard suppliant de Camille vers sa marraine, et se dit avec humeur : « Il ne me manquerait plus que de m’encombrer de cette mioche ! »

Le parc, dans la nuit, semblait immense — une forêt. Il n’était qu’à demi-obscur sans qu’on sût si c’était un reste de jour qui s’y attardait encore, ou le lever sournois de la lune invisible. Les troncs gris dessinaient des sentiers où Frédéric s’enfonça les pieds dans l’herbe ; il eut l’impression d’être très loin et se retourna.

Parmi les arbres, dont la nuit estompait les formes, la maison s’entrevoyait, longue et basse sous son toit, avec un air de s’étendre, de s’élargir à ses ultimes limites pour abriter plus de monde ; il se sentait l’avoir toujours connue ; c’était celle de son rêve, bien moins château que maison. Il chercha la cépée poussée autour de la table rustique qui avait connu les travaux de son père enfant, et la trouva là, tout près de lui. Au-dessus de sa tête, le feuillage noir mêlé des chênes et des hêtres bruissait ; des grandes plaines endormies venait le silence absolu avec l’odeur de la nuit, aux champs. Il sentait ici la mousse mouillée, ie bois, les feuilles, l’écorce et l’herbe, les jus suaves et sains des plantes qu’on écrase en mai-