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Page:Yver - La Bergerie.djvu/96

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j’en suis sûr. Adieu, ma Rosine, ton père qui t’aime tendrement… »

Ce fut de cette lettre que devait dater le second roman de Frédéric, Il était devenu cramoisi. Devant lui, sur la commode, posait sous verre un profil grisaille sur un fond gris ; c’était une fillette, une jeune fille, la grâce même de la quinzième année ; ses cheveux, qui paraissaient soufflés et blonds sous l’artifice photographique, se tressaient à la nuque ; elle souriait ; on apercevait sous la lèvre la pointe blanche d’une dent ; les cils étaient bien venus, semblaient vibrer. N’était-ce pas là Rosine ?

Ce ne fut pas sans un tremblement léger de la main qu’il écrivit : « Ma chère petite Rosine » et la présentation qu’il faisait de lui-même au nom du papa, sous l’aspect de « gentil secrétaire », ne l’avait pas laissé absolument froid. Dans le courant de la journée, il lui arriva d’y penser plus qu’au notaire auquel il avait écrit pour son patron une lettre de rendez-vous. La photographie, le fin profil grisaille jouait à peu près tout le rôle dans ce trouble exclusivement cérébral. Il brûlait à chaque instant d’adresser mille questions au père sur l’adorable petite personne, mais il y avait dans son sentiment quelque chose de clandestin, qui voyait facilement tout le monde aux aguets de ses subtiles et secrètes sentimentalités. Il se taisait.