Aller au contenu

Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

landes, sur la colline qui surplombe la rivière de l’Odet. Mais au printemps de 1856, à douze ans, aux vacances de Pâques, il découvrit un champ de pommiers en fleur. Alors ce fut l’extase. Cette jubilation matérielle du printemps lui-même exprimée par la clarté et par la couleur, toute cette vibration solaire, cette neige blanche et rose des arbres devenue comme la matière même de la lumière sous le mystère de ce bleu léger du ciel qu’on ne voit que dans la presqu’île bretonne, le rendit fou. Et les bras étendus, la bouche large ouverte, il se précipita parmi les pommiers éperdument comme pour boire ces couleurs enivrantes.

L’année suivante il entrait pour ses études chez les Pères, à Saint-Brieuc.

Par bonheur, il se trouvait être singulièrement intelligent car il y travailla aussi peu qu’un écolier pensionnaire en a la possibilité, marqué pour toujours par cette révélation des joies de la lumière faite à ses douze ans dans le champ de pommiers quimpérois, sans cesse absent de lui-même, transposant sa vie sur le plan de la vision.

À seize ans, l’âge de son premier baccalauréat, il exposa chez le marchand de couleurs de la rue Notre-Dame, à Quimper, M. Le Guirec, trois paysages classiques fortement dessinés représentant de vieilles maisons de ferme bretonnes revêtues de leur éternel toit de chaume, flanqué lui-même d’une cheminée à chaque bout. Mais il n’était point parvenu à peindre là-dessus le ciel idéalement bleu, ineffablement clair et léger qu’il voyait. Des clients de l’étude paternelle,