Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/209

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tirer de cette fille, point campagnarde mais champêtre, un intérêt pour sa neurasthénie, un remède contre son dégoût de vivre, un baume pour sa plaie saignante !…

Lors de la réouverture des cours du dernier trimestre à la Faculté, le lendemain d’un retour où la voiture à pétrole s’était montrée favorable aux deux êtres passionnés qu’elle cahotait, à grands fracas, au travers des provinces alors en fleurs de l’Occident français, Pierre Arbrissel, en poussant la porte d’un amphithéâtre, connut le choc le plus violent qu’il pût recevoir en se voyant poitrine contre poitrine avec Marie Lavaur. Leur jeunesse réagit avant leur conscience. De toutes leurs années surajoutées, ils ne parvenaient pas à faire la moitié d’un siècle et le sourire ineffable de jadis réapparut, accomplissant un échange inconscient de leurs âmes. Involontairement leurs mains s’accrochèrent. Pierre pressait passionnément celle de cette fière intellectuelle. Mais on ne tarda pas à la lui ôter. Le combat dura bien dix secondes. Et ce fut fini. Marie Lavaur disparut. Elle était plus orgueilleuse qu’amoureuse. Pierre l’avait compris. À partir de cette rencontre, il souffrit plus cruellement que jusqu’ici, pour avoir senti chez elle une qualité d’amour qui n’était pas la sienne. Il pâtissait de ce qu’elle n’eût pas la même forme de douleur que lui — lui qui se riait des blessures de l’orgueil — qui l’aimait comme le chien son maître,