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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/231

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que l’atelier du grand Hyacinthe demeurerait inviolé. Toute la sollicitude d’Antoinette, si intelligente, nantie d’un tel doigté pour soigner les blessures de ce jeune mari au cœur à vif, ne pouvait le retenir près d’elle. Chaque fois que sa présence au Palais n’était pas indispensable — ou bien dès son retour s’il avait eu à plaider, c’était chez sa mère qu’il se rendait. Après un moment passé à ses côtés, celle-ci, qui « savait », lui disait comme le grand homme naguère :

— Tu montes là-haut ?

— Oui, si tu le permets, mère chérie.

Alors dans le sanctuaire où il semblait que le demi-dieu se dérobât encore dans l’ombre parmi les toiles, les répliques des anciens portraits célèbres du Maître, les études colossales, Pierre Arbrissel s’effondrait, la poitrine sur les tables, et sanglotait à s’en arracher l’âme. Et il adjurait ces œuvres impavides de lui ressusciter leur auteur. Elles semblaient être touchées de sa douleur et l’on aurait dit qu’elles l’exauçaient, car, à sa vision intérieure, apparaissait en souvenir une image saisissante : celle du grand Arbrissel jetant avec tant de précision et de justesse la touche de lumière ou la tache d’ombre qu’aussitôt semblaient s’ériger les trois dimensions de l’objet.

Un jour qu’il était là dans ce sentiment d’inexprimable admiration, il lui parut qu’il se rapprocherait de son idole et que peut-être il satisferait un désir du grand mort en reprenant le pinceau que la critique si absolue de celui-ci lui avait fait naguère tomber des mains.

Peindre ! Savourer tous les jeux, toutes les