Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/232

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possibilités de la lumière, les enfanter, les créer, s’en griser en les inversant ! Connaître l’ivresse des yeux, la musique des couleurs ! Peindre, suggérer par l’image l’indicible, ce qui échappe à la parole ! Se réfugier dans cette expression spirituelle qui agit entre le physique et le métaphysique, n’était-ce pas la seule activité désirable pour un être si épris de mystère !

Son métier d’avocat lui était à charge. C’était le dernier qu’il eût dû faire. Comment son grand homme ne l’avait-il pas compris ! Chaque fois que de son pas élastique il gravissait le degré du Palais, une appréhension le bouleversait de la robe dont il allait s’affubler. Et au vestiaire, quel malaise il éprouvait de se voir ainsi désigné pour disputer, au nom d’un client confiant, des intérêts dont la justice ne lui était jamais assez certifiée, en conscience. Pour un certain procès, il apprit qu’il aurait comme adversaire Marie Lavaur. Il se récusa. Dès le lendemain, l’avocate l’épia dans la salle des Pas Perdus et l’aborda franchement. « Mais, que vous prend-il donc, cher ami ? Jugez-vous donc impossible que nous nous affrontions à la barre ? Ce n’est pas sérieux, voyons ! Nous sommes redevenus de bons confrères, rien de plus ! — Vous croyez ? demanda Pierre. Moi, non. Je ne pourrai jamais vous considérer comme un adversaire. » Il la regardait en disant ces mots. Les paupières de la jeune femme eurent un visible frémissement. Elle avait maintenant dépassé de plusieurs années la trentaine, mais à cet âge on ne change pas sensiblement en si peu de temps. Cependant il lisait en elle désormais, sans même le recher-