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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/39

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grande artiste, petite-fille de Fragonard… Il était encore attaché aux couleurs sombres, au noir surtout dont il tirait des effets puissants.

Puis vint la guerre de 70 qui fondit sournoisement sur cette société, si tranquille qu’elle nous en paraît ingénue, du second Empire. Paris demeurait insouciant. La villa de l’avenue de Madrid, dont la petite confrérie si cordiale qui s’y réunissait faisait un cénacle charmant, n’était pas la moins éloignée des sombres oiseaux avertisseurs et documents falsifiés où le plus benêt des aruspices eût vu l’annonce d’une prochaine conflagration. C’était le suprême pas de danse sur le volcan. Manet venait de faire encore un scandale bien flatteur avec sa Lola de Valence, la grasse Espagnole aux mollets épais, à la jupe crinoline que bat un éventail nonchalant. On parlait synchronisation des couleurs pendant que Bismarck lançait à l’Europé de fausses dépêches injurieuses pour la France.

Mais le jour où l’esprit rêveur et léger d’Arbrissel comprit que l’armée française allait mettre sur pied deux cent soixante-douze mille hommes contre douze cent mille l’Allemagne, il s’en fut au bureau de recrutement et s’engagea. Il n’avait jamais été soldat. Le rouge de son pantalon garance si bien fait pour devenir à longue distance le point de mire du fusil ennemi lui parut admirable. Lors de la charge de Reichshoffen, Hyacinthe Arbrissel était encore à l’instruction au camp de Châlons. Et quand il apprit que M. Léon Gambetta s’était évadé en ballon de Paris assiégé pour aller prendre en main à Tours la défense de la France en danger, il pensa qu’il