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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/38

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parvis Notre-Dame où il s’était plongé jusqu’à une ébriété communicative dans la lumière et la couleur. On a dit qu’il avait tiré de sa palette les plus riches teintes qu’on eût jamais vues, On commençait à murmurer qu’il était le plus génial dans la grande pléiade des amants de la coloration et de la gaîté d’atmosphère qui régnait alors. On aurait cru — et c’était faux — qu’il peignait sans effort, sans douleur, comme il voyait.

En 1868 une petite fille leur était née qui ne vécut que quelques jours. Le désespoir de la jeune mère devant lequel Hyacinthe sentait l’inutilité de toute parole consolatrice fut le premier coup de massue assené à son incroyable bonheur d’homme. Lui-même souffrait d’un état d’esprit bien racial en imaginant que ce chétif petit être payait pour l’incroyable félicité dont il jouissait et que le premier enfant qu’il procréait était une victime sacrifiée à son œuvre. Et, ce qui ajoutait à son supplice, il éprouvait la certitude que sa femme connaissait ce même sentiment de la fatalité. Ces jeunes parents ne pouvaient plus se regarder l’un l’autre sans être déchirés. Il leur semblait un crime de respirer quand leur petit enfant n’était plus. Leurs amis compatissants les entouraient. On dit que Manet venait les voir chaque jour. C’était le temps où celui-ci peignait sa toile célèbre du Balcon, ces personnages figés dans une loge de théâtre où la femme assise est Mme Morisot, la