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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/45

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bonnet enrubanné, portait la longue cape traditionnelle, le jeune père gonflé d’orgueil les regardait, le petit dieu et sa prêtresse, s’en aller par la rue Saint-James vers le bois ; et il scrutait les regards que lançaient les promeneurs à ce bébé : de riches. « Mes succès, pensait-il alors, riant tout seul, je m’en moque bien aujourd’hui ! Mais mon fils, je veux qu’il ait du génie… » Entre lui et la jeune mère il y eut une secrète et inconsciente rivalité pour conquérir les bonnes grâces du poupon. Arbrissel jouait à l’élever en l’air dans ses bras et buvait le rire cristallin de l’enfant comme un sportif qui s’amuse à se verser en gorge, dans le même geste, l’eau de sa gourde. Il souffrait que la main aux doigts minuscules fourrageât dans sa barbe et le déchirât cruellement. Il allait jusqu’à discuter avec Annie des façons de l’habiller. On mettait alors les garçons en robe jusqu’à quatre ou cinq ans. Obsédé par le rose divin que son œil avait pour toujours capté à la tunique de l’Enfant Jésus couché sur la paille à la crèche de la cathédrale de Quimper vingt-cinq ans plus tôt, il exigea qu’Annie courût les magasins pou : trouver un mètre de ce tissu céleste. Mais à chaque échantillon rapporté, Hyacinthe était pris d’impatience. Hé ! non, ce n’était point cela ! « Mais, chère Annie, expliquait-il, n’avez-vous donc jamais regardé l’aurore en Bretagne ? » Il répétait : « L’aurore !… L’aurore ! » Et l’on sentait qu’il contemplait en esprit toute l’écharpe d’Iris ceignant son pays aux ciels légers. Enfin, du Bon Marché, Mme. Arbrissel ramena certain soir un coupon de « satin magnifique » couleur chair, où la lumière, par jeu, mettait des