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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/50

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bavardage de dix à quinze personnes excitées par la lumière des lampes, la chaleur du chocolat, la diversité même, sociale, politique ou religieuse de ces admirateurs du grand peintre, la porte fut entre-bâillée très lentement, sans bruit, et le petit Pierre, vêtu de sa robe rose d’Enfant Jésus, se glissa hésitant dans l’étroit passage. Il avait trois ans et demi et ses yeux de pur azur montraient tant d’éclat sous ses boucles brunes que les dames s’écrièrent : « Oh ! le ravissant baby ! » donnant à ce mot toute la distinction que lui confère la prononciation anglaise. Il passait de bras en bras, sans timidité, disant aux dames qui le mignotaient avec délice : « Tu sais, moi aussi, je fais des tableaux comme papa. » Et, en retour des caresses reçues, il fouillait sa petite poche pour en tirer quelque papier bien chiffonné où, grâce à des pastels de marque, dons du marchand de couleurs Bonassy, il avait édifié, ici une maison en équilibre quelque peu instable, là quatre pommes rondes, au veinage rouge singulièrement bien « tournant », ici encore, dans un vase, des roses indiscutables d’une sphéricité parfaite. Et le père, complaisant, interprétant ces essais en riant, expliquait que son petit garçon n’était pas encore dans la phase de l’invention, mais que le sens de l’imitation était cependant né en lui. « Votre enfant sera lui aussi un génie de la peinture », disaient les visiteuses. Mme Arbrissel tirait le cordon de la sonnette pour qu’on vint chercher le petit garçon. Tout le monde se récriait : « Non, non, laissez-nous ce délicieux baby ! » Un jour la Maréchale, qui se trouvait là, renchérit et poussa la condescendance