Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/67

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Les jours de congé, les dimanches, les après-midi des jeudis où il restait à la maison, Pierre Arbrissel, cet enfant si tranquille et secrètement passionné, s’emparait avec une sorte de frénésie dissimulée de ses jouets préférés, les seuls qui l’eussent satisfait pleinement : c’étaient une ancienne palette de son père et des couleurs dont parfois le vieux Bonassy lui faisait cadeau en cachette : « Tiens, mon gaillard, lançait-il à ce frêle gamin qui portait mal l’épithète, voilà de quoi concurrencer ton géant de père ! — Oh ! ne dites pas de pareils sacrilèges, monsieur Bonassy, je sais bien que je ne serai qu’un avorton de la peinture aux côtés de mon père, mais je ne peux pas, pour autant, me retenir de peindre !

— N’importe, gosse, reprenait alors le brave homme ; prends ce vermillon, il est fameux, un pur mercure | ! Il donne à une étoffe la profondeur de la pourpre. Et puis ce bleu de cobalt dont, avec des mélanges, tu feras tout ce que tu voudras. Essaye. Tâtonne. Ton géant paternel n’a pas procédé autrement. Je me souviens du jour où je l’ai découvert à Quimper…

Et pour la dixième fois le fils d’Hyacinthe Arbrissel écoutait dans le ravissement l’histoire de cette découverte, faite par le vieux marchand, du grand peintre auquel il devait sa propre fortune.

— Il n’en menait pas large, tu sais, le jour qu’il a débarqué à Paris.

« Ce n’est pas vrai ! se disait mentalement l’enfant. Mon père en a toujours « mené large », j’en suis certain. Il est arrivé à Paris comme un conquérant, sûr de la victoire ! »

Mais le jeune Pierre, lui, connaissait une timi-