Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/83

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qu’une image matérielle. Elle avait la vie. Elle palpitait. Je l’ai perdue pour toujours. Quant à Elle, la véritable, la verrai-je revenir ici ? D’affreux rendez-vous, c’est ce qui nous attend… »

Et dans son atelier, face aux musculatures gigantesques de ses études des Titans, il s’effondra, pitoyable. Puis vers le soir il sonna pour qu’on priât M. Pierre de monter. Il ne pouvait demeurer seul devant ce vide. Sa détresse exigeait un secours. Personne n’était capable de lui en donner le moindre, mais la présence même de cet être chéri assouvirait son appétit de consolation. En l’attendant, il perdait patience, arpentant nerveusement son atelier. La porte s’ouvrit. Un adolescent entra, le visage inquiet, grand et flexible, (par jeu, Hyacinthe l’appelait quelquefois « mon Arbrisseau ») demandant ce qu’il y avait.

— Tu ne vois pas ce qui manque ici désormais ? lui demanda-t-il comme s’il se fût agi du soleil éteint.

— Ah ! le portrait de cette dame… ? dit le garçon gauchement, toujours torturé dès qu’entre son père et lui surgissait l’image de cette maîtresse détestable à ses yeux. Mais ce n’était pas pour toi que tu l’avais peinte. Tu le savais bien qu’elle partirait un jour ?

— Je ne concevais pas qu’il me serait si cruel de m’en séparer ! J’aurais donné tous mes géants, toutes mes études, ma réplique même du portrait de Gambetta qu’on dit meilleure que l’originel, pour garder ce visage-là. Mais Elle ne m’a pas permis de copie.