Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/87

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un évangile vivant. Une foi poignante le pressait de montrer la lumière aux foules. Il imaginait des sermons, se voyait en chaire dans une cathédrale, annonçant Jésus-Christ à une assistance noire et compacte tapie à ses pieds. Des centaines de visages levés — tout béants de la curiosité sacrée de Dieu — vers l’humble moine qu’il serait, boiraient l’évangile même à la source de sa parole. Toute la chaleur de sa foi, puissante comme une évidence, ardente comme un soleil, passerait dans ses pauvres frères du monde parisien, si nonchalants de la vie évangélique, si inconscients de la frivolité des soins qui les dévorent. Tous ne seraient pas convertis, certes, mais il s’avérerait impossible qu’ils n’emportassent tous de sa démonstration claire et évidente cette curiosité secrète de Dieu, ferment mystérieux d’une vie spirituelle nouvelle dans leurs âmes.

De ce secret, Pierre Arbrissel vécut des mois entiers, les mois les plus enivrants de sa vie, car les délices spirituelles l’emportent de loin sur les jouissances de la vie vulgaire. Ainsi, eût-il été refusé à sa seconde partie du baccalauréat qu’il eût accepté ce revers, cette humiliation dans le bondissement d’un joyeux ascétisme. Mais il y fut reçu, et avec mention — de quoi il fut cependant si heureux qu’il en conçut un scrupule et le dit au vieux Dominicain qui était son directeur. « Bast ! mon enfant, lui repartit celui-ci, Dieu serait bien fâché que vous ne fussiez pas content du cadeau qu’il a voulu vous faire. Vous n’y êtes d’ailleurs pas pour rien, car je sais que vous avez pioché ferme dans le jardin de la