Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/86

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sait alors. Il imaginait ce jeune moine voué au Christ, devenu son soldat sur la terre. Il frémissait d’admiration. Peut-être de désir.

Aujourd’hui, noyé d’amertume, désenchanté d’un père coupable, souffrant pour une mère chérie qu’on trahissait et se trouvant en tête à tête avec son Dieu, il eut de ce tableau une vision intellectuelle saisissante. N’était-ce pas un signe que lui faisait l’Amant divin des âmes humaines ? Il imaginait la douceur de vivre dans un asile de paix ressemblant à celui de Neuilly, où l’architecture même était caressée par la douceur évangélique. Il se voyait novice, se préparant à la mission d’annoncer le Christ par la prédication. Il ouvrit au hasard l’Imitation de Jésus-Christ. Il lut : « Mon fils, renonce-toi et tu me trouveras. N’aie rien en propre et tu t’enrichiras toujours ; car tu recevras une grâce plus grande dès que tu te seras renoncé sans te reprendre. » — « Donne le tout pour le tout ; tiens-toi en moi pur et sans hésitation et tu m’auras[1] » Il crut y comprendre une claire invite à la vie monastique. Il se sentit inondé de délices.

Ce fut un secret, un secret enchanteur qu’il cultiva en lui comme une plante de grand prix. En confession même il n’en parla pas au Père qui était son directeur. On le crut très absorbé par la préparation de son baccalauréat de philosophie. En réalité il vivait son drame mystique. Un soleil éblouissant illuminait les prairies intérieures de son âme. Il s’immolerait pour devenir

  1. Livre iii. Ch. xxxvii. Traduction d’André Beaunier.