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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/96

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en tête, disait celle-ci. — Oh ! non ! répliquait la Bretonne, plus subtile ; c’est la jeunesse tout simplement ! — Peut-être ! convenait la cuisinière, car voyez donc Monsieur qui va seulement sur cinquante ans et qui est déjà si triste ! »

Un drame en effet se jouait secrètement aux côtés de Pierre dans cette maison du grand peintre, à la façade blanche si sereine. « Mon pauvre enfant, confiait Annie à son fils, je suis bien désolée ; ton père est en train de sombrer dans une noire neurasthénie ! — Mais oui, mais oui, reprenait Pierre qui revenait toujours de loin. Je m’en aperçois aussi ; mais je suppose qu’il doit être en travail d’une nouvelle composition qui l’absorbe. Il a tourné ses toiles des Géants face contre le mur. C’est le signe qu’il veut faire table rase de cette manière formidable qui a été la sienne un temps. Il médite certainement des créations inattendues. Tu verras, maman, qu’il nous mettra bientôt en face de procédés nouveaux, de conceptions très différentes des précédentes, d’un rejaillissement de son génie. » Mais le temps passait et Hyacinthe ne peignait toujours plus, s’enfermait dans son atelier. On ne le voyait plus sortir que rarement, et, quand il rentrait, c’était encore plus accablé qu’au départ.

Tout l’hiver s’écoula ainsi entre la sérénité désormais affectée de Mme Arbrissel, la sourde inquiétude qui commençait à serrer le cœur de son fils, et la tristesse croissante du grand-peintre. On était aux premiers mois de 1898 et Arbrissel n’avait rien préparé pour le Salon du Champ de Mars. « Tu devrais gourmander ton père, le