Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/149

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— Chaque fois que tu arrives ainsi dans mon taudis avec ta beauté, ta jeunesse, ta lumière, j’imagine que…

— Quoi ? Qu’imagines-tu ?

— Ah ! rien, mais j’ai trop soif de toi, tu es ma chimère, ma divine chimère, toujours fuyante. Je t’adore quand même tout t’est permis, je ne t’importunerai jamais de mon amour.

Il se prit la tête et dit, comme malgré lui :

— … Pourtant je me figure que c’est ainsi que tu viendras. Un soir, tu ouvriras ma porte, tu diras : « Me voici », et ma vie, que tu as toujours dédaignée, tu la ramasseras comme une chose tienne, et tu comprendras peut-être alors quel était le don que je t’avais fait…

— Cher ami, murmura Clara en lui caressant doucement l’épaule, ce jour viendra en effet. En attendant, tu es aimé.

— Je n’ai pas de compagne ! gémit-il.

Et tragiquement :

Væ soli !

— Est-ce que déjà je ne te suis pas associée étroitement ? Où en est ton œuvre ? Tiens, j’ai touché mes premiers appointements ; je n’ai besoin de quoi que ce soit ; je te les apporte, pour toi, pour la grève.

Il se ranima, comme électrisé à ce mot.

— Merci, l’idée marche ; les tisseurs commencent à refuser le travail. Chaque jour on débauche une centaine de tisseurs. Une filature