Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/152

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filatures — comme des houppes aériennes et légères de coton — pour savoir si de-ci, de-là, le travail ne cessait point. Ah ! qu’elle avait hâte de voir le prolétariat organisé, constitué et armé. Parfois, le soir, les étudiants sortant de l’Hôtel des Sciences entonnaient la chanson du Charbon, la belle chanson du petit Conrad ; et elle en jouissait comme si c’eût été à travers la ville le cri de ralliement qui fit battre à l’unisson toutes les poitrines unionistes. Et c’était une âpre joie pour elle de penser que Wolfran l’entendait aussi, du fond de ses appartements magnifiques, et qu’il en devait être déchiré. La force mystérieuse des Rois ?… quelle illusion ! Elle ne l’avait nullement sentie. Ces gens-là n’avaient aucune grandeur, sinon cette majesté subjective que leur prêtait le peuple. L’archiduchesse gracieuse et poétique possédait le charme de l’adolescence et de la maladie réunies dans un jeune être très noble. Mais la reine n’était qu’une bourgeoise aimable et épaisse ; la morgue des grands courtisans n’était que ridicule. Quant à Wolfran, ce devait être quelque homme de bureau entouré de deux ou trois scribes considérables, qui gérait le pays à la plume comme une grosse administration. Combien, à côté de cette froide politique dépourvue d’envol, de générosité, de sentiments, paraissait admirable la conception unioniste de l’État démocratique, où tout était amour, sacrifice mutuel, coopération bienfaisante !