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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/151

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Pourquoi refusera-t-il de recevoir cette délégation ? demandait haineusement Kosor. Pour la première fois, Clara troublée fit un mensonge, fruit de sa situation équivoque.

— Il ne reçoit personne en ce moment. On dit qu’il travaille beaucoup. Moi-même, je n’ai pu le voir.

Car il lui eût paru impossible de trahir Wanda.

— Tu ne l’as pas encore vu ?

— Non, répondit Clara ; il se dérobe.

— Il te dédaigne ! fit âprement le révolutionnaire.

Alors ce fut un flot de questions. Était-elle heureuse ? Rendait-on justice à sa valeur ? l’avait-elle pas à souffrir ? Que pensait-elle de la famille royale ? Y avait-il vraiment dans la dynastie une force qu’on ne pût briser ? Et Clara expliquait son existence de travail partagée entre ses deux laboratoires, son cœur hanté par le souvenir d’Ismaël et la pensée de la plèbe du faubourg. Elle était assurément bien traitée au palais, mais le palais ne comptait guère pour elle. Murée dans son rêve intérieur, dans son idée, les décors pouvaient changer autour d’elle sans que rien bougeât dans le monde qui était à elle. Levée tôt, avant le jour, elle écoutait par la fenêtre ouverte les sifflets des usines appelant au labeur les malheureux tisseurs transis. C’est là-bas qu’était son âme et elle épiait la fumée que soufflaient les cheminées de