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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/159

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— Oh ! Dieu ! fit Lina de Saventino, comme c’est imprudent de passer par ici. C’est un quartier à attentats.

— Madame, dit Clara offensée, vous ne connaissez pas la dignité du peuple.

— Merci, dit la jolie duchesse, je sais surtout qu’une bombe est vite lancée.

— Moi, je n’ai pas peur du peuple, dit Wanda en souriant à la savante.

Ce mot fut comme un baume sur les nerfs de Clara. On roulait maintenant sur la chaussée principale du faubourg. On devait craindre une manifestation, car l’allure des chevaux s’accélérait encore. À droite et à gauche, les chevaux des cuirassiers, en file serrée, caracolaient sous la lumière crue d’un jour de gelée sèche, les armures légères reflétaient le soleil ; puis, après les neuf calèches, c’était la troupe bleue des pages, montés sur de petits chevaux lithuaniens aux jambes déliées et qui disparaissaient dans une nuée de poussière. Le tonnerre du détachement de cavalerie venait ensuite avec un crépitement d’étincelles jaillies du pavé sous le fer des sabots. Une splendeur passait avec ce cortège royal.

La voiture tourna. On franchissait les grilles du parc. Au fond le Château-Conrad apparut. C’était un pavillon carré couronné de balustres, avec un portique soutenu par des colonnes doriques en porphyre rose. Les pelouses s’arrondissaient sous le tapis de neige. Des sapins de