Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/158

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faubourg pour atteindre le Château-Conrad. Toutes ses angoisses s’avivaient. Puis le roi serait là, et depuis près de deux mois qu’il se dérobait, une curiosité défavorable, presque mauvaise, avait grandi en elle, lui donnant une hâte maladive de le connaître, d’affirmer devant lui son inimitié. Pourrait-elle simuler le respect et la déférence ? Son cœur gros d’indignation. battait lourdement dans sa poitrine. Ah ! non, elle le viderait son cœur ; tout ce qui l’étouffait, toute l’injustice du régime, elle le dirait à cet homme malfaisant. Qu’avait-elle à craindre ? Qui l’obligeait aux bassesses du cérémonial ? N’était-elle pas souverainement libre ?

— À quoi pensez-vous, mon amie ? lui demanda la petite Altesse, affectueusement.

Wanda était charmante. Son costume de patineuse, fait de drap blanc, simulait l’uniforme du régiment de la Garde, et elle portait une petite toque blanche, comme les soldats, sur les bouffants de ses cheveux.

Clara répondit avec hardiesse :

— Je pense que nous allons traverser la région de la grève.

En effet, on passait le fleuve. Les acclamations avaient cessé : la froideur des trottoirs vides semblait sinistre comparée à l’encombrement de l’avenue de la Reine. Nulle sympathie. Souvent des groupes de tisseurs qu’on croisait s’arrêtaient. Ils restaient couverts, haineux, farouches.