Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’imagination du peuple par la splendeur des vêtements, les chamarrures des uniformes, les broderies, les diamants des dames de la cour, et toute cette pompe d’apothéose où ils se réservent d’apparaître. Vous autres, vous vous montrez à lui dans la magnificence des mots, la sonorité des idées creuses, la duperie des formules. Vous vous en grisez vous-même. C’est pire. Comment, vous, une femme de science et de mentalité si précise, pouvez-vous donner dans une éloquence si peu substantielle ?

Clara ne répondit pas. Ses yeux baissés erraient sur des choses au hasard : un tapis de Perse au pied d’un divan, un vieil escabeau sculpté, une goutte de cire rouge tombée comme une goutte de sang sur une peau d’ours, près du bureau royal.

— Car, poursuivit Wolfran, quand vous entreprenez au laboratoire une manipulation, vous obéissez à des lois que l’expérience a lentement élaborées, vous prenez une substance et la traitez par les réactifs convenables : vous travaillez dans la vérité, dans la sûreté qu’un long exercice de votre science a donnée aux chimistes. Là pas de théories chimériques et infécondes. Mais quand vous aurez boursouflé la masse populaire avec le levain des mots, l’aurez-vous métamorphosée ? Qu’en ferez-vous ? Justice, Dignité, Égalité, Liberté, autant de belles abstractions dont l’essence doit imprégner discrètement l’action de