Aller au contenu

Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ballotté, maltraité, honni. Une hésitation lui venait par moments, et il écrasait la couverture de ses deux pouces.

Et qui vous dit si celui-là qui l’a écrit autrefois n’en voudrait pas abolir toutes les lignes, capter toute la pensée mauvaise, afin qu’elle n’aille pas se semer dans les esprits. Il le voudrait, il le voudrait…

Clara le vit haletant, angoissé, terrible. Puis, plus calme soudain, et presque affectueusement :

— Tenez, mademoiselle Hersberg, permettez-vous qu’ensemble, amicalement, nous accomplissions l’acte nécessaire ? La possession de ce livre n’est pas licite je ne puis le tolérer chez vous, mieux vaut que, ce soir…

Et, tout crispé, d’un mouvement sec, ayant empaumé le livre ouvert qu’il tordit, il en fit deux parts. Clara étouffa un cri. Puis elle vit un homme hors de lui, qui déchiquetait les feuillets, les lacérait, les écrasait, les jetait à la flamme en petits paquets informes.

Elle ne dit pas un mot, un souffle pressé soulevait sa poitrine. Ses yeux agrandis considéraient le feu qui, dédaignant d’abord cet amas de papier, ne le lécha, ne le mordit, et ne le dévora que lentement, comme un monstre repu. Après quoi, quand ce vestige d’une grande vie disparue fut anéanti, elle ne put retenir deux larmes silencieuses qui perlèrent de ses paupières, coulèrent sur sa joue. À ce moment, le roi la